les rythmes scolaires : histoire d'un consensus
Voici une petite chronologie (non exhaustive) sur les principales réformes concernant les rythmes scolaires, qui démontre bien que l'idée n'est pas nouvelle et qu'elle a été soutenue par les différents camps polotiques au fils du temps.
Dès 1980,
un rapport du Conseil économique et social (CES) sur les rythmes scolaires est présenté à la presse : allongement de l'année scolaire (35 à 36 semaines) et réduction de la durée quotidienne et hebdomadaire (séances de 45 min au lieu de 60 et une demie heure de moins par jour), et meilleur alternance des activités de "base" et des activités sportives, socio-éducatives ou culturelles
22 juillet 1983
Publication d’une loi complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat (JO du 23) et qui, dans ses articles 25-26 et 27, permet une utilisation des locaux scolaires en dehors des périodes d’enseignement et la possibilité pour les collectivités locales de compléter l’action éducative de l’éducation nationale.
Prévoit le transfert de compétences dans l'enseignement (et oui déjà).
Juillet 1984
La loi du 16 juillet 1984, promulguée par le ministère de la Jeunesse et des Sports, va ouvrir la possibilité, à la demande de l’équipe des maîtres, d’utiliser des intervenants extérieurs agréés.
Début de l'entrée de personnel non EN dans l'école...
13 décembre 1984
Présentation par Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Education nationale et Alain Calmat, ministre délégué à la Jeunesse et aux Sports, d’une circulaire visant à favoriser les activités sportives et culturelles extra-scolaires en permettant leur pratique à l’intérieur même de l’école.
14 avril 1986
Dans une interview à Europe 1, Christian Bergelin, secrétaire d’Etat à la Jeunesse et aux Sports, se dit favorable à la libération de deux heures par jour consacrées au sport ou à des activités artistiques et souhaite une libération du samedi matin ainsi qu’une réorganisation complète des rythmes scolaires.
14 septembre 1986
Déclaration à Europe 1 de René Monory, ministre de l’Education nationale, dans laquelle il exprime sa volonté de réformer les rythmes scolaires en réduisant les vacances intermédiaires, en prolongeant les vacances d’été (reprise des cours après le 8 septembre), en repoussant les examens à la fin juin et en allégeant la journée scolaire pour faire davantage place aux activités culturelles et sportives, mais sans report des cours du samedi matin au mercredi matin dans le primaire.
Octobre 1986
Présentation par René Monory du rapport de Pierre Magnin sur l’organisation des rythmes scolaires et du projet de calendrier scolaire 1987-1988 : réduction de l’horaire hebdomadaire de cours compensée par l’allongement de l’année scolaire. Déclaration de Jean-Jacques Descamps, secrétaire d’Etat chargé du tourisme, qui estime que le calendrier scolaire prévu sera favorable à l’industrie touristique.
23 septembre 1987
Communication en Conseil des ministres de Christian Bergelin sur l’aménagement du temps extra-scolaire des enfants de l’enseignement du premier degré : bilan de la mise en place des "contrats bleus" associant l’Etat, les collectivités locales et le milieu associatif (3500 communes et près d’un million d’enfants concernés pour l’année 1987-1988).
Août 1988
La circulaire Jospin-Bambuck du 2 août 1988 permet de revenir à une liaison forte entre temps scolaire et temps hors scolaire et de s’engager vers une politique globale d’aménagement des temps de vie de l’enfant.
Mai 1990
La circulaire Jospin-Bambuck-Lang du 18 mai 1990 prend en compte tous les temps de l’enfant et permet l’élaboration de projets dans son intérêt : développer son autonomie, sa socialisation et sa capacité à élaborer des projets personnels et collectifs, contribuer à son insertion sociale et culturelle, faciliter sa réussite scolaire.
Mars 1991
Après les problèmes de circulation et de tourisme rencontrés lors des vacances de février 1991 en raison de l’organisation en deux zones des vacances scolaires (prévue par le calendrier triennal 1990-1993 adopté par le Conseil supérieur de l’Education en juin 1989), le ministère de l’Education nationale rend public, le 13, un projet d’arrêté visant à modifier ce calendrier pour revenir aux trois zones. Réactions des fédérations de parents d’élèves (FCPE et PEEP) et des syndicats d’enseignants (FEN, SNI-PEGC, SGEN-CFDT, SNES) qui s’opposent à cette décision (qui remet en cause le rythme de sept semaines de cours suivies de deux semaines de repos) prise pour "servir les intérêts du tourisme" mais approuvent l’aménagement des rythmes scolaires en maternelle et dans le primaire. Le 14, déclaration de M. Jean-Michel Baylet, ministre chargé du tourisme, qui approuve l’étalement des vacances scolaires afin notamment d’améliorer la sécurité dans les transports et d’éviter l’inflation dans l’industrie touristique.
22 avril 1991
Présentation à la presse des “propositions pour la rénovation des lycées” de Lionel Jospin. Elles prévoient notamment trois heures de soutien par semaine pour les élèves de seconde, première et terminale en difficulté, une réduction des horaires hebdomadaires classiques et un allègement des programmes. Les syndicats SNES et SNLC-FO rejettent la réforme et déplorent la contradiction entre l’hétérogénéité
des élèves et la volonté d’uniformisation
de la formation. Le Syndicat national des lycées et collèges (SNALC) approuve le principe d’une aide individualisée mais s’inquiète de la diminution des horaires. La FEN et le SGEN-CFDT approuvent le principe de la réforme.
Publication du décret du 22 avril 1991 relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires (JO du 24). Il donne aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale pour l’enseignement élémentaire et préélémentaire, le pouvoir de déroger, dans le respect de certains principes, à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et primaires. (???, début des inégalités)
En décembre 94
publication par la direction des écoles du ministère de l’Education nationale des résultats de la consultation nationale : 40000 conseils d’école sur 55000 interrogés ont répondu, dont 38,4 % se prononçant pour une semaine de 4 jours par libération du samedi matin avec un raccourcissement des vacances scolaires. (L'idée n'est pas nouvelle)
octobre 1995
Guy Drut, ministre de la Jeunesse et des Sports, annonce une nouvelle expérimentation d’aménagement des rythmes scolaires dans 18 communes, libérant trois après-midis par semaine pour le sport et la culture.
Janvier 1996
Le 25, Guy Drut annonce que plus de 200 communes se sont portées candidates à l’expérimentation de nouveaux rythmes scolaires à l’école primaire (enseignements classiques le matin, sport et culture l’après-midi), qui pourra débuter dès la prochaine rentrée. Le 26, le SNUIPP-FSU et la FEN s’inquiètent notamment d’un transfert
de responsabilités de l’Etat aux communes et d’un risque
de voir les inégalités
s’accroître entre les enfants, selon qu’ils bénéficieront ou non de l’expérience.
(tiens, ça m'évoque des problemes actuels.)
1er décembre 1998
Publication d’un rapport du Comité d’évaluation et de suivi des aménagements des rythmes de l’enfant (CESARE) selon lequel l’aménagement des rythmes scolaires augmente le plaisir des enfants d’aller à l’école mais n’influe pas sur leurs performances scolaires
. (un argument qu'on nous a servi pourtant)
Juin 2008
Circulaire sur l’organisation du temps d’enseignement scolaire et de l’aide personnalisée dans le premier degré. (Bulletin officiel du 5 juin)
Publication des programmes de l’école primaire, applicables à la rentrée 2008. Prescrivant le retour aux fondamentaux
(mathématiques et français), la réforme s’accompagne de la réduction du nombre d’heures hebdomadaires (de 26 à 24) que les enfants passent en classe. (Bulletin officiel du 19 juin 2008).
16 mars 2010
Circulaire de préparation de la rentrée publiée le 19 mars 2010, qui précise que l’organisation de la semaine en neuf demi-journées (du lundi au vendredi en incluant le mercredi matin) doit être encouragée chaque fois qu’elle rencontre l’adhésion. (pour le moment, comme chacun le sait maintenant c'est imposé malgré une majorité de personne contre).
(ba oui, en même pas deux ans on a le temps de se rendre compte des effets du passage à 4 jours...)
Juillet 2011
Christian Forestier et Odile Quintin, présidents du Comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires remettent à Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, leur rapport d’orientation sur les rythmes scolaires : « Des rythmes plus équilibrés pour la réussite de tous ». Ce rapport final propose la refonte de la semaine scolaire (abandon de la semaine de quatre jours au profit d’une semaine d’au moins neuf demi-journées) mais aussi de l’année scolaire avec un raccourcissement des vacances d’été (maintien du volume horaire annuel de classe sur 38 semaines au lieu de 36).
Octobre 2012
Remise au ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon du rapport issu de la concertation "Refondons l’école de la République". Le rapport propose un retour à une semaine de neuf demi-journées. Il envisage la possibilité d’allonger d’une à deux semaines l’année scolaire mais en supprimant le zonage de certaines petites vacances pour respecter l’alternance sept semaines de cours / deux semaines de vacances.
24 janvier 2013
Publication du décret relatif à l’organisation du temps scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires. La réforme des rythmes scolaires entre en vigueur au début de l’année scolaire 2013-2014. Toutefois, jusqu’au 31 mars 2013, les communes peuvent demander au directeur académique des services de l’éducation nationale le report de la réforme à l’année scolaire 2014-2015.
Juillet 2013
La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République crée un fonds d’amorçage en faveur des communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui ont décidé de mettre en œuvre la réforme dès la rentrée 2013.
Septembre 2013
Près d’1,3 million d’élèves, soit 22 % des effectifs de l’enseignement public, sont soumis à la nouvelle organisation du temps scolaire. Parmi les 4000 communes ou établissements publics de coopération intercommunale concernés, on compte 32 villes de plus de 50 000 habitants, et 2950 de moins de 2000 habitants.
14 novembre 2013
Grève nationale dans les écoles primaires, à l’appel des syndicats CGT, FO, SUD/Solidaires, FAEN (Fédération autonome de l’éducation nationale et des collectivités territoriales) contre les modalités d’application de la réforme des rythmes scolaires. Le mouvement est suivi par 23% des enseignants en France et 41% à Paris, selon le ministère de l’Éducation nationale.
Septembre 2014
Application de la réforme des rythmes scolaires imposées à toutes les écoles publiques de France.
Conclusion :
L'idée de modifier les rythmes scolaires n'est pas nouvelles et est partagées par tous.
En effet les pretextes utilisés sont réels et qui ne souhaiterait pas que les enfants apprennent mieux dans des meilleures conditions?
Peut-on refuser une réforme qui annonce vouloir permettre aux élèves de "mieux apprendre et favoriser la réussite de tous"?
Sauf que derrière cet écran de fumée, ce dessine au fil du temps, une école de plus en plus inégalitaire, de moins en moins publique et nationale.
En mettant sur le devant de le scène "l'égalité des chances" on oublie et efface "l'égalité des droits" qui doit permettre à chaque élève où qu'il se trouve en France d'avoir droit au même enseignement.
C'est à dire le même nombre d'heure d'enseignement (et non pas certains 24 d'autres 26 en fonction des APC), aux mêmes horaires (samedi ou mercredi, des heures de sortie qui varient...), avec des enseignants qui ont la même formation (non pas du personnel recruter sur pole emploi, des profs vacataires sans formation spécifique etc) , des programmes uniques et communs (et pas des projets territoriaux, projets locaux, projet d'école, projet de classe et projet personnalisé, et oui tout ca existe) etc...
Cette résponsabilité incombe à l'état qui ne peut s'y dérober comme c'est inscrit dans notre constitution.
Alors oui un enseignement adapté au cas par cas fait rêver.
Mais il ne garantie pas l'égalité des droits des élèves devant l'instruction. Cette égalité nationale, la laïcité, la gratuité et l'obligation scolaire sont à mon sens les limites de toute réforme de l'école, rythmes scolaires ou autre (et non pas l'organisation du tourisme...)
Nos politiques le savent mais tous, dans un consensus qui existe depuis des décénies persistent vers un objectif qui aujourd'hui est de plus en plus clair, le dégagement de l'état de ses responsabilités et obligations en vers l'instruction nationale. Et pour cela il y a dans un premier temps tout un système à démenteler sans provoquer la gronde du peuple.
Car oui, les français sont attaché à leur école. Et nous avons raison car nous avons un des systèmes scolaires au monde qui garantit au mieux l'égalité de tous devant l'instruction.
Il nous reste donc à comprendre quels peuvent être les raisons qui les poussent à agir de la sorte? (dans un autre article).